mardi 20 décembre 2016

La question anglophone : gare à la surenchère


Le débat fait rage dans les médias et dans les chaumières depuis que, après la grève des avocats et des enseignants anglophones, des incidents graves sont survenus à Bamenda, la capitale régionale du Nord-Ouest du Cameroun. Parlons d’abord des faits : des avocats anglophones se sont mis en grève pour réclamer la traduction en langue anglaise des Actes de l’Ohada. Le gouvernement, par le biais du ministre de la Justice, a obtenu la version anglaise de ces documents qu’il a mis à la disposition du barreau. Quant aux enseignants anglophones, leurs revendications sont nombreuses. À la demande du chef de l’État Paul Biya, le premier ministre, anglophone lui-même, est allé personnellement rencontrer leurs syndicats à Bamenda. Après des négociations serrées, les syndicalistes ont promis de suspendre le mot de grève à condition que le gouvernement accède à au moins une de leurs exigences. De retour à Yaoundé, le premier ministre n’a pas satisfait qu’une seule des exigences, mais trois. Curieusement, le mot d’ordre de grève n’a pas été suspendu…


Certaines rumeurs ont alors commencé à circuler sur un agenda qui se cacherait derrière les revendications corporatistes des grévistes. L’on a alors commencé à évoquer ce que d’aucuns appellent « le problème anglophone ». D’autres ont parlé de la remise en cause de l’Etat unitaire décentralisé au profit de la fédération. Certains autres encore ont, pour leur part, convoqué la sécession. Carrément. C’est alors que des soi-disant leaders du SCNC (Southern Cameroon national Council) sont sortis du bois, diffusant via Internet des discours qui n’allaient pas du tout dans le sens de l’apaisement.

Entre temps, les partis politiques se sont mêlés de l’affaire : d’abord le SDF, principal parti d’opposition dont le chef, M. John Fru Ndi, anglophone lui-même, est originaire de Bamenda. Ce parti est allé manifester dans la capitale régionale du Nord-Ouest puis à Buea, dans le Sud-Ouest, avec ses sénateurs et ses députés, dans un mouvement qui pourrait s’apparenter à un soutien aux grévistes, un alignement derrière les tenants de retour au fédéralisme. Face à cette situation, le RDPC, le parti au pouvoir, n’a pas voulu rester inactif. Après un premier meeting tenu à Buea, les responsables de ce parti, avec dans leurs rangs le premier ministre, ont programmé un deuxième meeting à Bamenda qui, lui, va rencontrer l’opposition d’une horde d’individus qui vont s’attaquer à certains d’entre eux, ériger des barrières, mettre le feu sur des édifices publics, casser des voitures, s’attaquer aux forces de l’ordre, etc., pour empêcher le meeting de se tenir. Le drapeau de la République aurait même été brûlé…Le chef du gouvernement, le secrétaire général du RDPC et tous ceux qui les accompagnaient ont dû se résoudre à tenir une réunion dans un hôtel de la ville, au lieu du meeting populaire qui était prévu.

Dans un tel contexte, qu’y a-t-il lieu de faire? À mon avis, il faut condamner avec la dernière énergie les actes de vandalisme perpétrés à Bamenda. Des voix s’élèvent ici et là pour réclamer le dialogue. Il faut dire que dans cette affaire, le gouvernement a montré ses bonnes dispositions, en reconnaissant que des problèmes se posent et en multipliant les gestes de bonne volonté. Mais, en face, certains semblent obéir à une autre logique : celle de la surenchère. Quelques partisans du tout ou rien seraient embusqués derrière des revendications somme toute légitimes des Camerounais anglophones. Ceux-là, il faut les dénoncer et permettre à l’État de résoudre sereinement les problèmes auxquels ses citoyens font face. Qu’ils soient anglophones ou francophones, ou de quelque partie du pays que ce soit.

Moane Ehindi

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