Un drôle de débat a cours au Cameroun depuis que l’université de Yaoundé II-Soa a annoncé la tenue en son sein, du 1er au 3 novembre prochain, d’un colloque scientifique sur l’œuvre de Chantal Biya, l’épouse du chef de l’État camerounais.
Organisé
par des universitaires camerounais, sur le thème «Droits fondamentaux et politiques de
solidarité au prisme de l’action sociale de la Première Dame du Cameroun»,
ce colloque a l’ambition, selon ses organisateurs, de s’appesantir sur l’action
sociale de celle qui a été désignée Ambassadrice de bonne volonté de
l’Organisation des Nations Unies pour l’Éducation, la Science et la Culture
(UNESCO).
Mme
Chantal Biya, faut-il le rappeler, est, entre autres œuvres de bienfaisance, la
présidente de Synergies africaines pour la lutte contre le VIH/sida et les
souffrances, une ONG dont les actions sont visibles partout sur le territoire
camerounais et dont le modèle est repris dans nombre de pays africains. Elle a
par ailleurs créé en 2006 le Centre
International de Référence Chantal BIYA pour la recherche sur la prévention et
la prise en charge du VIH/Sida (CIRCB). Depuis
1994, l’épouse du président Biya a mis
en place la Fondation Chantal Biya qui aide au quotidien les victimes des calamités
naturelles ainsi que les démunis et déshérités à travers les différents Centres
d’accueil pour lépreux, aveugles, sourds-muets, handicapés moteurs, orphelins,
enfants abandonnés et vieillards…Une œuvre abondante donc.
Que des
intellectuels, des universitaires en l’occurrence, s’intéressent à son œuvre et
y consacrent un colloque scientifique, quoi de plus normal ? Mais, contre
toute attente, on assiste à une levée de boucliers de la part de quelques
universitaires pour qui ce colloque ne serait ni plus ni moins qu’une activité
de propagande. Et de vouer aux gémonies ses initiateurs et tous ceux qui sont
appelés à y apporter leur contribution.
Des
universitaires pourtant adulés comme le politiste Mathias Éric Owona Nguini, connus
pour leur liberté d’esprit, sont subitement soupçonnés d’être devenus des
soutiens au président Biya, comme si c’était une tare ; d’avoir été « achetés »,
et sont soumis à un autodafé médiatique…
On
peut ne pas apprécier l’œuvre de l’épouse du chef de l’État, pour des raisons
politiciennes. C’est le cas, par exemple, du Pr Alain Fogué Todem, qui a publié
une longue tribune dans la presse locale, mais qui a omis de rappeler aux
lecteurs, qu’au-delà de l’enseignant de science politique, il est un éminent
membre d’un parti politique de l’opposition, le Mouvement pour la renaissance
du Cameroun (MRC). Parce que cela pourrait permettre de mieux comprendre que sa
position peut ne pas être seulement celle de l’enseignant d’université.
Mais de là à s’interroger sur son opportunité,
ou de questionner son caractère scientifique, ou bien, soutenir, comme le fait
le Pr Claude Abé, que ce colloque n’a pas lieu d’être simplement parce que,
selon lui, personne ne peut y « dire quelque chose contre
Chantal Biya », me semble un peu
faible comme argument. Parce que
Chantal Biya, épouse de chef d’État, pose des actes qui affectent la société.
Elle est un sujet de sociologie
politique dont les travaux peuvent faire - et ont même déjà fait - l’objet d’importantes
productions scientifiques.
Les
observateurs peuvent ne pas avoir les mêmes avis sur l’épouse du chef de l’État
et son œuvre. Mais sur le bien-fondé d’un colloque
scientifique sur son œuvre, le problème ne se pose pas.
Moane Ehindi
Moane Ehindi
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