vendredi 21 octobre 2016

Le bien-fondé du colloque sur l’œuvre de Chantal Biya


Un drôle de débat a cours au Cameroun depuis que l’université de Yaoundé II-Soa a annoncé la tenue en son sein, du 1er au 3 novembre prochain, d’un colloque scientifique sur l’œuvre de Chantal Biya, l’épouse du chef de l’État camerounais.

Organisé par des universitaires camerounais, sur le thème «Droits fondamentaux et politiques de solidarité au prisme de l’action sociale de la Première Dame du Cameroun», ce colloque a l’ambition, selon ses organisateurs, de s’appesantir sur l’action sociale de celle qui a été désignée Ambassadrice de bonne volonté de l’Organisation des Nations Unies pour l’Éducation, la Science et la Culture (UNESCO).

Mme Chantal Biya, faut-il le rappeler, est, entre autres œuvres de bienfaisance, la présidente de Synergies africaines pour la lutte contre le VIH/sida et les souffrances, une ONG dont les actions sont visibles partout sur le territoire camerounais et dont le modèle est repris dans nombre de pays africains. Elle a par ailleurs créé en 2006  le Centre International de Référence Chantal BIYA pour la recherche sur la prévention et la prise en charge du VIH/Sida (CIRCB). Depuis 1994,  l’épouse du président Biya a mis en place la Fondation Chantal Biya qui  aide au quotidien les victimes des calamités naturelles ainsi que les démunis et déshérités à travers les différents Centres d’accueil pour lépreux, aveugles, sourds-muets, handicapés moteurs, orphelins, enfants abandonnés et vieillardsUne œuvre abondante donc.
 Que des intellectuels, des universitaires en l’occurrence, s’intéressent à son œuvre et y consacrent un colloque scientifique, quoi de plus normal ? Mais, contre toute attente, on assiste à une levée de boucliers de la part de quelques universitaires pour qui ce colloque ne serait ni plus ni moins qu’une activité de propagande. Et de vouer aux gémonies ses initiateurs et tous ceux qui sont appelés à y apporter leur contribution.

Des universitaires pourtant adulés comme le politiste Mathias Éric Owona Nguini, connus pour leur liberté d’esprit, sont subitement soupçonnés d’être devenus des soutiens au président Biya, comme si c’était une tare ; d’avoir été « achetés », et sont soumis à un autodafé médiatique…

On peut ne pas apprécier l’œuvre de l’épouse du chef de l’État, pour des raisons politiciennes. C’est le cas, par exemple, du Pr Alain Fogué Todem, qui a publié une longue tribune dans la presse locale, mais qui a omis de rappeler aux lecteurs, qu’au-delà de l’enseignant de science politique, il est un éminent membre d’un parti politique de l’opposition, le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC). Parce que cela pourrait permettre de mieux comprendre que sa position peut ne pas être seulement celle de l’enseignant d’université.

 Mais de là à s’interroger sur son opportunité, ou de questionner son caractère scientifique, ou bien, soutenir, comme le fait le Pr Claude Abé, que ce colloque n’a pas lieu d’être simplement parce que, selon lui,  personne ne peut y « dire quelque chose contre Chantal Biya »,  me semble un peu faible comme argument. Parce que Chantal Biya, épouse de chef d’État, pose des actes qui affectent la société. Elle est un sujet de sociologie politique dont les travaux peuvent faire - et ont même déjà fait - l’objet d’importantes productions scientifiques.
Les observateurs peuvent ne pas avoir les mêmes avis sur l’épouse du chef de l’État et son œuvre. Mais sur le bien-fondé d’un colloque scientifique sur son œuvre, le problème ne se pose pas.

Moane Ehindi


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